lundi 10 novembre 2014

Oh, bébé, le Palais de L’Élysée


Oh, bébé, le Palais de L’Élysée



On traînait avec des vestes en jean qui étaient en loques,

Des vrais clodos, mais tu avait dit : «Merde ! On s'en moque ! »

Ce neuf novembre, à Madrid, on parlait du mur de Berlin,

Vingt-cinq ans d'un souvenir finalement pas si lointain,

Cet événement : des larmes de joie, un cri de liberté,

Ce soir là, peut-être un miracle s'était réalisé,

On déambulait, cherchant des badges de Banksy et Nirvana,

Comparant les prix des sacs en cuir, ici ou là-bas,

On furetait entre les stands de ce marché aux puces,

Dans la foule, un gars égrenait des accords, chantant en russe,

On échangeait nos impressions sur ce monde oppressant,

D'une jeunesse divisée qui n'était plus qu'éclatements,

Des ados désabusés, lassés d'être déboussolés,

Fatigués des mensonges des journaux télévisés,

D'une crise qui les laisse de côté, de cette corruption,

De contestations qui se muent en revendications,

Alors on a décidé de se poser au soleil,

On débattait beaucoup et on se prêtait conseil,

Puis tu es monté sur le banc, les bras grand-ouverts,

« Je suis le nouveau président ! » as-tu hurlé à l'air,

Oh ! Que le Palais de L'Elysée me donne des ailes !

Oh ! Que c'est bon d'être élu au suffrage universel !

C'est merveilleux ! Voilà qu'enfin mon jour est arrivé !

Oh bébé, que c'est bon d'être au Palais de l’Élysée !

Alors pour commencer, on va faire le ménage et vite,

Virez-moi ces artistes, ces journalistes, ces défaitistes,

Excusez-moi écoutez, c'est pas la bonne décision,

Mais ho ! Dis-donc, mon con, c'est qui le patron ?

C'est qui qui parle ? C'est moi le King de la Nation

Ne te permets plus jamais de me parler sur ce ton !

Et d'ailleurs, comme tous les autres, pour marquer mon mandat,

Je voudrais deux grandes tours ici et trois immeubles là-bas,

C'est pas dur, on rase trois cités, et puis voilà,

Ça vaudra la peine un musée à mon nom, tu verras,

Viens ma poule, allez, t'inquiètes, je vais assurer,

Oh bébé, que c'est bon d'être au Palais de l’Élysée ! »

Alors après ton monologue on riait aux éclats,

On se moquait des gens qui nous livraient ces discours là,

On se souvenait de la Saint Jean, marchant pieds nus dans la rue,

Des nouvelles expériences, du dernier film qu'on avait vu,

Jouant de ukulélé, jouant les hippies décalés,

Car on est de la génération aux jeans troués,

On est de ces addicts au portable toujours allumé,

On est à l'âge du ras-le-bol, du cœur sans cesse ébranlé

Mais aussi aux âmes encore et toujours plus révoltées

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